éclipses

Éclipses – Yvon Canova

Editions Jacques Flament

Eclipses, livre de Yvon Canova, éditions Jacques Flament

ANATOMIES PAR TEMPS DE NUIT. La nuit enfin. Elle est sans lune, sans astre. C’est le désastre qui, plus qu’il ne l’éclaire, est cet éclat en elle inachevé. Le peintre accouche d’une nuit dont il livre à la fois le déchirement et l’éclat. Fragments d’abîme cette nuit est conçue pour accoucher du jour. Rapée jusqu’à l’os, toujours au même endroit, elle est faite pour endurer des naissances.

quand le visage perd sa face

Quand le visage perd sa face, ou la désignation en art, catalogue de l'exposition

Les questions portent en soi déjà un contenu. On pourrait presque s’en tenir là, à cette lecture, dans sa forme de réponse interrogative.

Que regardent tes personnages, si tant est qu’ils puissent encore voir quelque chose à travers la gangue visqueuse qui semble entourer leur visage ?

Rien. Le noir mat d’une pure acuité, sans objet à voir. S’il y a regard, et que ce regard se donne à voir, c’est pour montrer aussi que des yeux pleins de ce noir ne sont pas des yeux aveugles. Qu’il y a un rien voir, au delà de l’interrogation du regard; une sorte de neutralité qui à sa manière, sans vouloir violer cette nuit sur quelque chose à saisir en son fond, donne juste profondeur à ce rien.

Cette « gangue visqueuse », autrefois, on appelait ça, le masque sacré.

C’est quoi cette encre noire qu’ils habitent ? Est-ce leur créations intime , ou est-ce leur niche écologique naturelle ?

Ce noir d’encre, comme tu le qualifies, c’est lui qui ici même nous fait écrire en devenant l’objet d’une autre sorte d’acuité.

Ce noir n’est pas seulement un habitat, ou en tant qu’habitat c’est lui qui me permet d’envisager la présence elle-même comme un seuil. Le rapport n’est pas entre un lieu et son habitant, mais entre un lieu et son seuil.

Tu es forcément conscient de cette même image prototypique que tu reproduits sans cesse, sorte d’attracteur étrange qui t’obsède ! Que cherches tu par cette inflation du « même » ?

Il ne s’agit pas là d’un prototype, mais d’une identité particulière, d’une identité de peinture, d’une fidélité par la peinture à ce qui en tant que personne ne peut être nommé, mais qui s’entend à répondre au regard, non à cet appel que lance le nom.

Une identité, un corps de peinture qu’appelle le regard.

Je crois aussi que la peinture par ce retour au même se questionne sur ce qu’est, non pas la nudité d’un corps, mais sur cette invariable que serait une nudité de peinture, c’est à dire son creux, sa cavité, sa première question questionnée à son tour dans une sorte de jeu de miroir. Ce que dévoile en fait la peinture, c’est le côté « opposition du même » du questionnement.

Je pense aussi que la répétition est une manière de déjouer le calque, de marquer entre deux toiles cette intimité ou petite différence par laquelle la peinture peut encore s’ouvrir à un sens possible.

Chercherais tu à la rogner au point de percer l’image en son fond le plus intime ? Que sens tu poindre par derrière ?

Je pense que cette question n’appelle pas de réponse, qu’elle est pertinente en tant que question, mais qu’il n’y a pas lieu d’en jouir, que ce trou n’est pas objet de désir, mais accueil d’une charge neutre, qu’une parole dans cette vide résonance ne peut commencer qu’à partir d’elle-même et se poursuivre à sa manière, c’est à dire presque sans voix, dans une forme de gris prononcé. Ou pour dire ça autrement, ce qui est derrière, ça doit rester une question. Il y aurait illusion à vouloir dire ça, la trame de la trame, ce sens fait d’usure.